illustration : Flowhynot
2 décembre 2018, 5h du matin, je suis dans la salle omnisport de Moncontour, lieu de départ du Grand Menestrail (54km et 2200m de dénivelé positif).
Une légère fumée due à la froideur du mois de décembre se dégage des corps et visages crispés qui m’entourent.
Je commence à comprendre que la ‘balade’ ne sera pas aussi tranquille que je l’avais imaginé.
‘L’année dernière j’ai abandonné au 30ème km’ entends-je. Cette fois j’en suis quasiment sûr la course qui vante ‘la nuit, le vent, la boue’ à laquelle je vais participer ne sera sans doute pas une partie de plaisir.
Qu’est ce qui m’attend ? Premiers éléments de réponse à 5h30, heure du départ.
photo : Stéphane Ory
Une préparation. C’est à dire ?
Comme vous avez pu le lire dans l’article précédent j’ai plus ou moins décidé de m’inscrire à cette épreuve sur un coup de tête.
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Une fois l’email de confirmation reçu, plus le choix que de se préparer à l’épreuve.
Le lendemain je chausse mes running, endosse un camel bag que j’avais utilisé une fois dans ma vie et pars explorer les sentiers environnants.
40km plus ‘tard’ je reviens à la maison les jambes dures comme des bouts de bois et douloureuses comme jamais. Je n’avais jamais fais cette distance! Je l’ai tenue. Je suis assez rassuré, c’est bon signe. Mais dans un mois et demi il en restera encore une quinzaine…
Laissant passer les courbatures des 2-3 jours suivants, je décide de ‘cadrer’ à minima ma façon de m’entrainer pour la suite. Un plan d’entraînement ? Pas vraiment. À ce moment là je ne sais même pas ce que c’est.
// 🏃sortie plutôt cool d’1h le lundi.
// 🏃sortie d’1h30’ le mercredi où j’alterne 1h cool avec 30’ où je fais 3 fractions de 1000m plus rapide.
// 🏃sortie plutôt cool d’1h le vendredi.
// 🏃sortie longue le dimanche avec une durée relative à ma forme et mon envie.
4 séances pour environ 55-60 km par semaine. Progressivité ? Un terme que je ne connais pas à cette époque. Je suis donc complètement passé outre ce principe. Ce qui n’est pas conseillé, je le précise.
Côté alimentation, le seul ‘effort’ que je m’impose pour le moment est d’arrêter momentanément (je pensais) l’alcool et les dimanches matin avec une ‘gueule’ de bois au réveil.
photo : Stéphane Ory
Des pentes, des crampes et des larmes.
8h30, ravitaillement de Fetabry. Je suis au fameux 30ème kilomètre, lieu d’abandon et de cauchemar, semble-t-il, du trailer entendu le matin même.
Me concernant, après 3 heures passées à la frontale dans les sous-bois de Moncontour et ses alentours, pour le moment ça va. Je bois un cola. Chose qui m’étonne car je n’aurai jamais imaginé trouver ce produit sur une épreuve sportive. Mais là il me fait tellement envie, moi qui n’en boit plus jamais… Je repars.
D’ailleurs, en ce qui concerne ma stratégie de nutrition, elle est toujours la même aujourd’hui au niveau du timing. 2 à 3 gorgées de liquide tous les quarts d’heure et une barre toutes les 45 minutes. Je rajoute un gel toutes les 2 heures si j’en ressens le besoin ou l’envie.
Elle a juste évolué dans les nutriments que je consomme. Mais j’y reviendrai dans de futurs articles.
Revenons à la course. Je continue mon chemin. 45ème kilomètre des crampes commencent à se faire sentir. Je sers les dents. Il ne me reste que 10 ‘bornes’. Je ne peux pas lâcher maintenant. Le mental prend le relai du corps.
6 heure et 13 minutes après le départ de mon premier trail long je franchi la ligne d’arrivée les larmes au yeux. Une 63ème place, des douleurs mais un sentiment du devoir accompli. J’ai peut-être trouvé une partie de ce que je cherchais quelques mois auparavant dans mon bureau, un soir d’été.
photo : Eyes and Trail
Et maintenant ?
Étant une personne impatiente, voir hyperactive, j’avais déjà anticipé le fait que ça puisse me plaire. J’avais donc coché une autre course faisant partie d’un challenge nommé Ouest Trail Tour : Le Glazig.
56km et 1600 m de dénivelé positif longeant en partie la mer par le GR34. Clairement je suis séduis.
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Je laisse passer une semaine de réflexion, le temps de récupérer de mon premier périple et je m’inscris. L’objectif du marathon en 2019 est déjà bien loin et complètement dépassé…
Comme je ne fais pas les choses à moitié… Dans le même temps, je valide mon inscription à une autre course de sentier qui aura lieu en avril : L’Aber Wrac’h (54km et 1050m de D+).
Transformer l’essai ? Pas vraiment.
Début février, soit 4 semaines après des fêtes de fin d’année copieuses et bien arrosées, je me rends cette fois-ci à Plourhan.
Il fait froid. le départ sera donné à 7h30, un peu plus tard que 2 mois auparavant. Je suis seul sous le grand chapiteau monté pour l’occasion. Je ne connais encore personne dans le monde du trail. Plus tard je constaterai que c’est un ‘sport individuel qui se pratique en équipe’ et où l’on fait plein de belles rencontres. J’attends de pouvoir gambader vers la mer, cette mer que j’aime tant. Ça y’est le coup de feu retentit.
Après un passage en sous-bois, nous sommes sur le GR34. Je me sens bien. C’est mon type de parcours préféré. Celui que je connais. Celui sur lequel je m’entraîne. Celui qui borde la ville que j’habite et que j’aime tant.
Je me sens dans un état de ‘up’ comme disent les trailer québécois. J’entends un bénévole (encore merci à eux) me dire que je suis dans les 50 premiers. Je continue donc sur ma lancée. Je continue. J’accélère presque. Jusqu’à…
photo : Trail Glazig
Le mur, cette terrible sensation.
35ème kilomètre, alors que tout allait bien, je suis comme foudroyé. D’un seul coup j’ai l’impression d’être vidé de toute mon énergie. C’est comme si mes muscles n’étaient plus présents. Qu’ils faisaient leur rébellion. Chaque foulée est plus pénible que la précédente. J’apprendrai quelques jours plus tard que j’ai sans doute ‘frapper le mur’. Un état bien connu par la plupart des marathoniens.
Et il reste 21 kilomètres…
Encore plus que la première fois, c’est la tête qui prend le relai pour refuser l’abandon que mon corps réclame de façon incessante. Je tiens, je tiens, je tiens. En traversant le zoo de Trégomeur et à nouveau les sous-bois ou le dénivelé se corse abondamment, je finis par revenir sous le chapiteau de départ, tout droit sorti d’un cirque, qui fait aussi office de lieu d’arrivé. Je suis complètement vidé. Je ne peux quasiment plus bouger mes jambes. Je suis plié en 2.
Mon classement ? 70ème en 5h13’. J’ai donc perdu une vingtaine de places sur les 20 dernières ‘bornes’. Même si le chrono me semble très correct, je ne peux m’empêcher d’être mitigé. Voir frustré. Ça n’est que mon 2ème trail long, seulement 2 mois après le premier. Mais je sens que quelque chose n’a pas fonctionné. Mon tempérament d’éternel insatisfait reprend le dessus. Mon esprit de compétition sûrement aussi.
En rentrant, Émilie me félicite. Elle me dit que c’est sans doute place. Que c’est déjà pas si mal. Malgré tout je me pose la question de savoir si c’est vraiment pour moi. Mais je suis déjà inscris sur le trail de L’Aber Wrac’h qui aura lieu dans 2 mois…
Comme disais le rappeur Faf La Rage dans le générique de la série Prison Break : ‘Pas le choix faut y aller’ (si vous ne connaissez pas, c’est ici 😉).