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Article: Du petit rêveur marin breton au fou de la Diagonale // Partie 6 //.

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illustration : Flowhynot

“Stop. C’en est fini pour moi.

Kilomètre 20, une contracture apparue dès 4ème kilomètre ébranle mon esprit. Je la ressens de plus en plus. Et plus haut, dans mon cerveau, elle prend de plus en plus d’ampleur dans mes pensées au fur et à mesure que les sentiers défilent sous mes yeux.

Voici donc mon premier DNF…

Qu’est ce qu’il t’arrive ? Dans 4 kilomètres il y a le ravitaillement. Tiens bon et viens avec nous jusqu’à la-bas‘.

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photo : Flowhynot

Un oeil sur le classement.

Lundi 10 juin 2019, mon corps est envahi de courbatures, mais je suis encore sur ma petite étoile. Certes la veille je n’ai fini ‘que‘ 19ème, mais c’est comme une victoire pour moi. Les divers articles ou posts que je lis amplifient mon sentiment.

Je découvre notamment cette phrase de Claude Salmon, organisateur du Grand Menestrailfinir dans les 20 premiers à Guerlédan est un véritable exploit’. Cela me décroche un rictus timide.

Au passage, un autre athlète avec qui je suis proche aujourd’hui, s’est également clairement distingué sur ce trail de Guerlédan. Il s’agit de Jean-Adrien Michel avec une magnifique 5ème place. Une belle promesse du haut de ses 24 ans.

Quelques jours plus tard je tombe sur la mise à jour du classement du Ouest Trail Tour. Et une belle surprise me tombe dessus. Je vois mon nom à la 5ème ligne. Moi qui avait l’objectif d’un top 100, je commence à me dire qu’un top 10 serait un beau défi pour cette année 2019. Un peu ambitieux et légèrement prétentieux peut-être. Mais c’est décidé, je jouerai toutes les épreuves restantes (4) afin d’essayer de remplir ce contrat avec moi-même.

//📖À lire aussi : Le Ouest Trail Tour, une aventure étonnante en 7 étapes

En route vers le bout du monde.

L’été se met doucement en place. L’entraînement est plus agréable que quelques mois auparavant. Les séances à jeun du matin me permettent d’apprécier le lever du soleil sur la Manche. Je n’avais jamais profité de ce spectacle durant mes 35 premières années. Ou très rarement. Courir a vraiment du bon.

Fin juin je me rends sur un trail court en sous bois de 18km à Saint-Potan. L’occasion d’y aller en famille puisque j’ai réussi à motiver mon frère. Plutôt habitué aux joies du ballon rond, il découvrira ce jour les ‘délices’ du trail. Le dénivelé, les descentes, les dévers etc. Il terminera plutôt bien, mais depuis il n’en a pas refait préférant retourner sur les rectangles verts.

Me concernant, ça sera une médaille en chocolat. Mais une bonne préparation pour mon prochain objectif prioritaire, le fameux Trail du Bout Du Monde.

Des mois que je m’y suis inscrit. Il est promis un parcours extraordinaire de 57 ‘bornes’ empruntant le GR34 et ‘gavant’ nos yeux gourmands d’une mer d’un bleu profond.

J’ai hâte. D’autant plus que nous avons prévu un week end en famille et entre amis pour accompagner ce bel évènement. D’autres aspects qui m’ont poussé à pratiquer la course en sentier: la découverte et le partage.
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photo : Linda Gault

Matinée ensoleillée et frayeur vite arrivée.

Week end des 6 et 7 juillet, me voici donc embarqué vers une nouvelle aventure. Je pars dès le samedi avec mon ami Nicolas qui participera aussi à l’épreuve, ainsi que sa petite famille. La mienne nous rejoindra le soir même pour nous encourager sur les sentiers gorgés de soleil qui nous accueilleront le lendemain.

Nous avons prévu d’aller voir le départ du 20km. Pour la petite histoire nous ne le verrons jamais car une panne de voiture est arrivé durant le voyage. Un petit détour par la garage et nous voici tout de même arrivé sur le site pour récupérer nos dossard devant le phare de la pointe Saint Mathieu.

Une chaleur de plomb inonde cette fin d’après midi. Le lendemain nous devrons clairement veiller à bien nous hydrater. Mais j’ai pour habitude de boire toutes les 15 minutes et de manger toutes les 45 minutes dans ma stratégie de nutrition. Je ne suis pas inquiet.

Direction maintenant vers notre location, une charmante petite maison qui nous assurera une nuit paisible. Quoique légèrement agitée à cause de l’adrénaline qui commence à nous envahir.

“Je ne pense pas que je vais aller beaucoup plus loin.

Tôt le lendemain matin, nous sommes prêt. Le petit déjeuner, le même que lors du Trail de Guerlédan, nous a fourni le plein d’énergie.

//📖À lire aussi : Du petit rêveur marin au fou de la Diagonale / Partie 5.

Emilie se lève pour nous emmener au vélodrome de Plouzané, lieu de départ de cette 4ème manche du Ouest Trail Tour. L’ambiance dans la voiture est détendue. C’est peut être lié au magnifique temps qui va habiller notre aventure. Elle nous dépose, nous la retrouverons un peu plus tard sur le parcours.

Comme d’habitude les minutes précédent le départ paraissent des heures, le stress montant peu à peu.

Un discours du maire de la commune nous invitant à profiter des paysages que nous allons traverser est donné et nous voici parti.

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photo : Gilbert Goachet

2 tours de vélodrome pour commencer où je me place en première ligne avec les habituels ténors. Je compte jouer crânement ma chance. Je suis parti vite. Très vite. Je sens des jambes sur ces tous premiers kilomètres. Mais… Dès le kilomètre 4, alors que nous ne sommes pas encore entré dans la petite portion de sous bois qui précède la tant attendue virée sur les bord du Finistère, une pointe se fait sentir au milieu de mon mollet droit.

Non pas déjà. Pas sur cette course’ me dis-je. Pour le moment je continue, il est de toute façon hors de question de s’arrêter et la douleur est supportable.

Le GR34 se présente après une douzaine de kilomètres. Mais ça ne va pas mieux. Ça s’empire même. De plus je n’arrive pas à penser à autre chose. La notion d’abandon commence à prendre de l’épaisseur dans mes pensées.

Premier ravitaillement, je décide de ne pas m’arrêter mais je croise Émilie accompagnée d’ Ambre et Ines. Elle voit que quelque chose ne va pas.

Allez! Ça va ?

Je lui répond avec la mine des mauvais jours que ‘non‘.

Je ne pense pas que je vais allez beaucoup plus loin‘ lui répond je. Quelle déception… Je continue quand même. Mais sans trop y croire. Je ne sais pas à quelle position je me situe car j’ai ralenti depuis un moment. Mais de toute façon je pense qu’il n’y aura pas de classement aujourd’hui. Je l’attendais depuis tellement longtemps cette course…

La belle rencontre salvatrice.

Tant bien que mal je me rapproche du 25ème kilomètre et du 2ème ravitaillement. 15 bornes que je ‘cours‘ dans cet état. Mais là, ça devient de plus en plus dur. Et puis…

Stop. C’en est fini pour moi‘.

Kilomètre 20, la contracture apparue au 4ème kilomètre ébranle mon esprit. Je la ressens de plus en plus. Et plus haut, dans mon cerveau, elle prend de plus en plus d’ampleur dans mes pensées au fur et à mesure que les sentiers défilent sous mes yeux. Au point que je m’arrête.

Voici donc mon premier DNF…

Qu’est ce qu’il t’arrive ? Dans 4 kilomètres il y a le ravitaillement. Tiens bon et viens avec nous jusqu’à la-bas‘.

Cette parole, elle sort de la bouche d’Arnaud Le Caer, un coureur dont j’avais lu quelques jours plus tôt qu’il faisait parti des favoris. Accompagné de Sylvain Costuas, un autre trailer que j’aurai appris à connaître ce dimanche, ils me rejoignent puis me doublent tout en m’invitant à tenir jusqu’au prochain ‘arrêt au stand‘. Cela me donne un regain d’énergie et je comble mon retard pour les rejoindre.

Te voilà revenu. Est ce que tu as pris du sel ?’ me lance Arnaud.

Du sel…‘ et bien non. En effet jusqu’à là toute mon alimentation était sucrée. Que ça soit ma boisson isotonique ou les barres et les gels que je consomme. Là voilà mon erreur. Sous cette chaleur j’en ai perdu beaucoup et je ne comble pas ce manque que mon corps me réclame. Jusqu’à là je n’avais pas couru sous cette chaleur. Je m’accroche donc jusqu’au 25ème kilomètre ou je prend de célèbres biscuits apéritif. Chose je ne consomme jamais d’habitude, mais je suis le conseils qu’on me donne. Puis je repars avec le trio.

Reparti rassasié avec mes équipiers, nous affrontons les 12 ‘bornes’ suivantes qui nous mènent jusqu’au phare Saint-Mathieu. Lieu où je posais la veille avec mon pote Nico.

Un passage terrible et générateur de dégâts tous les ans. En effet les coureurs passent devant l’arrivée… Alors qu’il reste une vingtaine de kilomètres et une belle boucle pour combler l’épreuve. Un véritable appel au DNF auquel il faut savoir résister !

Nous nous présentons au ravitaillement à 2 avec Arnaud. Sylvain ayant lâché notre cadence quelques centaines de mètres auparavant.

À ce moment là nous nous situons aux 6 et 7ème place ! Mon mollet, quoique légèrement encore douloureux, va beaucoup mieux. Je reprend un poignée de biscuits salés, et nous élançons pour un ‘semi marathon’.

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photo : Gilbert Goachet

Que calor !

Il reste environ 2h de course. Peut-être un peu moins. La chaleur se montre de plus en plus présente en cette fin de matinée. Elle commence même à être étouffante. Chaque pas commence à peser sous ce soleil de plomb.

La première partie de cette ultime portion nous conduit sur des chemins et routes assez simples. Nous en profitons, avec mon acolyte, pour continuer de discuter, apprendre à nous connaître et nous encourager mutuellement.

Arrive alors des sentiers plus ‘techniques’. Je dis technique entre parenthèses car il s’agit plutôt de passage assez cassants. En effet nous nous approchons de la mer, et les chemins deviennent de plus en plus sablonneux. Ce qui sollicite plus intensément nos jambes déjà fatiguées.

La prochaine étape sera le tour de la pointe de Kermorvan. Ce qui représente pour moi l’ultime grosse difficulté de ce parcours incroyable. Le soleil nous grille littéralement, et je retrouve le profil sur lequel je m’entraîne quasi tous les jours. C’est ici qu’Arnaud me lâchera. Nous nous retrouverons à l’arrivée pour sympathiser un peu plus autour d’une bière largement méritée ! Il est bien plus frais que moi en cette fin de course. Entre temps je me suis fais aussi rattraper par Aurélien Taro. Un athlète habitué des fins de courses tonitruantes.

Ça y’est le tour de la pointe est bouclée. Au ravitaillement je croise Antoine et Nico, mes futurs partenaires du Plancoët Arguenon Runnning. Ils me lancent quelques derniers encouragements, me livrent quelques informations sur mes poursuivants dont Eric Conce qui m’accompagnera à au Grand Raid sous l’étendard OTT.

Il semble que j’ai une avance confortable et qu’ils sont dans un état similaire au miens.

Ma stratégie devient simple : gérer les 10 derniers kilomètres sans risquer de réveiller un peu plus mon mollet. Je ne cherche pas à rejoindre Arnaud et Aurélien que je vois quelques hectomètres devant moi. Ils sont plus frais. Et ça serait jouer au feu avec la blessure et mettre en péril une belle 8ème place.

Les derniers kilomètres sont magnifiques dans ce décor de carte postale. Mais aussi dur mentalement. Effectivement j’aperçois le phare, synonyme de fin d’épreuve, pendant plusieurs kilomètres avec l’impression qu’il est sur roulette et qu’il recule au fur et à mesure que j’avance !

4 heures et 30 minutes après le départ du vélodrome de Plouzané je franchi la ligne d’arrivée devant un public venu nombreux et ma petite famille qui profite de ce beau dimanche d’été. 8ème au final. Une place qui consolide ma 5ème au challenge. Cette période estivale commence de la meilleure des manières !

Je retrouve donc Arnaud pour échanger plus longuement et plus calmement que pendant la trentaine de kilomètres partagés.

Pour la petite histoire, mon ami Nico finira aussi cette belle épreuve et son premier trail long. Une jolie récompense et un aboutissement de plusieurs mois de préparation.

Place maintenant au trail des Légendes qui se déroulera dans la féérique forêt de Brocéliande à la rentrée.

Mais pour le moment, on va profiter un peu du bel été qui s’annonce après tous ces kilomètres parcourus depuis maintenant 8 mois.

Ce voyage au ‘bout du monde’ m’aura permis d’aller au ‘bout de moi-même’ du point de vue mental pour faire face à un imprévu physique.

//📖À lire aussi : L’entraînement, cette recette complexe en quête perpétuelle de nouveaux ingrédients.

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photo : Gilbert Goachet