photo : Eyes & Trails
Il y a quasiment un an, jour pour jour, des larmes de joie ruisselaient sur mes joues face à la nouvelle que je venais de recevoir. Celle qui m’apprenait que je participerai au Grand Raid de La Réunion 2020. Sous les couleurs du Ouest Trail Tour qui plus est. Une année plus tard, le même phénomène, mais inversé cette fois, m’habite devant l’annulation de cet évènement qui me tenait tant à coeur. Pas un rêve brisé, mais modifié.
Un début d’année encourageant
En acceptant un tel défi, celui que je voyais plutôt arriver d’ici cinq à dix ans, je savais que l’année allait être rythmée d’un énorme investissement personnel. Qu’il soit physique, mental ou même en terme de choix avec la décision de faire appel à un coach par exemple. En l’occurence Diego Alarcon.
Les 3 premiers mois étaient prometteurs si l’on occulte l’abandon au Glazig. Un aléa qui pouvait s’expliquer par une période de surentraînement d’une part, mais surtout sans doute par un manque de temps de récupération après mon premier ultra trail à Moncontour.
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Quelques semaines plus tard, la forme était revenue avec un résultat encourageant à l’Endurance Trail des Corsaires et une 4ème place qui verdissait les indicateurs pour la suite. Notamment le MIUT, cette « petite Diagonale des Fous« , que j’avais décidé de faire depuis l’année précédente. Une épreuve qui devait me servir de premier vrai test. Mais aussi une première occasion de faire voyager ma famille grâce à ma pratique. Chose qui me tenait à coeur depuis mes débuts. La machine était lancée.
Le monde bascule dans une nouvelle ère
Un phénomène prenait de l’ampleur sur le continent asiatique depuis des mois déjà : une maladie nommée « Coronavirus » ou « COVID-19 ». Mais comme la majorité du reste du monde, je n’avais pas pris conscience qu’elle nous atteindrait à ce point et changerait nos vies pour une période dont on ignore encore la durée aujourd’hui. Le 16 mars 2020, Emmanuel Macron annonce le confinement et toute une série de mesures pour lutter contre cette pandémie.
Cela a impacté, et impacte encore notre existence. On ne sait pas pour combien de temps. Et forcément, même si ça n’est sans doute pas le plus important (il faut être objectif), le monde de la course à pied fait partie du lot.
À cette époque, j’étais encore loin d’imaginer ce qui était en train de se passer. Moi qui « gambadais »librement deux semaines auparavant sur les sentiers bordant les bords de Rance. L’objectif du MIUT était encore bien présent. Et je voyais ce temps d’isolement seulement comme un léger handicap dans ma préparation. Puis soudain les annulations d’évènement ont commencé à apparaître et s’accumuler. La situation générale au niveau mondial se dégradait de jour en jour et la période de confinement a été étendue. Le MIUT a finalement été annulé et j’ai commencé à comprendre qu’il allait falloir envisager la saison d’une façon différente. Et sans doute ma vie en général. Chose encore plus importante.
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Mais à ce moment précis, je ne pensais pas un instant à une possible annulation de la Diagonale des Fous. Ce rêve que j’avais, qui me tendait les bras et qui allait se produire quelques mois plus tard.
photo : Flowhynot
Un choix : ne pas se relâcher
Devant cette situation exceptionnelle, j’ai tout vu. En terme de discours, d’entraînements, de défis… Et je ne porte aucun jugement là-dessus, car chacun a dû vivre cette période inédite comme il l’entendait, comme il le pouvait. Me concernant, la direction a toujours été claire : ne pas lâcher et continuer pour être prêt à l’automne. Je ne compte plus les heures de home trainer effectuées. Ni les footing journaliers respectant les mesures sanitaires mises en place.
Cela m’a permis aussi, même à distance, de tisser et renforcer des liens. J’ai notamment pu aider Jean-Adrien Michel, que j’avais croisé quelques mois auparavant, à organiser son défi OFF nommé 34h sur le GR 34. Et y participer ensuite en compagnie d’un ami de longue date, François Pellan. Des échanges et une amitié qui se poursuivent aujourd’hui.
Le ciel s’éclaircit
Avec la fin du confinement, j’ai cru à une période plus faste. Pas la fin de l’épidémie. Mais un futur proche qui donnait le droit de croire à des jours plus radieux et agréables. La bonne nouvelle annonçant la tenue de l’Échappée Belle était arrivée. Je tenais ma course de préparation en montagne. Nous avions également organisé avec Jean-Adrien une semaine dans les Alpes que nous avions baptisé « training camp » afin de nous préparer au mieux à fouler les sentiers de l’île située au coeur de l’océan indien.
C’était sans compter sur une saison estivale qui aura relancé le virus comme l’annonçait depuis des mois de nombreux scientifiques.
photo : Jean-Adrien Michel
Puis s’assombrit
Fin août, je me suis présenté sur la ligne de départ du format 87km de l’Échappée Belle. Mais déjà avec quelques doutes sur la tenue du Grand Raid malgré le positivisme de Robert Chicaud son président. La motivation commençait à fuir. Heureusement, Diego, mon coach, a eu envers moi une phrase salvatrice « Pense au fait que c’est peut être ton dernier dossard de l’année, et que la préparation tu ne l’as pas faite pour rien ».
Ces mots m’ont redonné le moral et j’ai pris du plaisir sur cette première expérience dans les hauteurs de Belledonne et un parcours réputé comme l’un des plus difficiles au monde. Malheureusement il avait aussi raison sur le premier point…
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Le rêve se brise et l’investissement d’une année disparaît
Le 11 septembre, après plusieurs jours qui ne laissaient plus de place au doute, la sentence est tombée. L’impensable quelques mois auparavant est arrivé. Après l’UTMB et de nombreuses autres épreuves, le Grand Raid a aussi dû céder sous les coups de plus en plus retentissants de la COVID 19.
Me concernant, je m’y étais préparé. Mais l’officialisation a été, et est dur à avaler. Bien sûr ça n’est qu’une course. Et elle n’est en aucun cas à mettre en rapport avec la situation mondiale qui découle de cette pandémie. Mais j’ai vu un an d’investissement à la fois physique, psychologique, temporaire et même financier s’évaporer. Et surtout la possibilité, comme je l’avais rêvé lors de mes débuts en trail, de partager cet évènement avec ma famille.
Alors certes j’y participerai sûrement l’an prochain. Mais dans quelles conditions ? Il est loin d’être évident que je puisse déplacer toute ma petite famille une 2ème année de suite. Car oui, cette année nous devrons tout de même (il y a pire comme obligation vous me direz ;)) nous rendre à La Réunion, la compagnie aérienne refusant de décaler nos vols. Donc évidemment je serai heureux de traverser Cilaos, Mafate et consort en 2021, mais la saveur ne sera peut être pas la même. Surtout si je vis l’aventure seul.
Et maintenant ?
Concernant cette fin d’année, elle est très floue. Comme 2021 d’ailleurs. Et comme pour la plupart des coureurs sûrement.
J’ai participé au Trail des Légendes de Brocéliande, il y a une semaine, pour me vider la tête et faire honneur à l’organisation qui s’est battue bec et ongles pour maintenir cette manche du challenge OTT.
photo : Stéphane Ory
Dans quelques semaines j’irai quand même profiter des sentiers créoles, et profiter de 15 jours qui se sont transformés en « vraies » vacances.
Ensuite ?… Je n’en ai aucune idée. Peut-être que j’ai envie de souffler un peu. Couper de préparations qui sont mon quotidien depuis 2 ans. Prendre du recul.
J’avais déjà réfléchi à la programmation de mon année 2021. Mais est-ce vraiment la peine ? Nous avons tellement peu de vision sur l’avenir. Il est peut-être temps que je vive au jour le jour et non plus dans l’anticipation permanente, qui est un de mes traits de caractère.
Comme quoi le trail, une fois de plus, peut modifier notre façon d’être. Et même au plus profond de notre personnalité 😉 Chose non aisée pour un pur breton têtu comme moi.
photo : Flowhynot